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Faut-il revenir sur Kering ?
#111 Nouveau PDG, nouveau départ ?
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Faut-il revenir sur Kering ?
Par Loris Dalleau
Si vous suivez l’actualité des marchés financiers en France, vous avez sans doute vu passer l’annonce choc de ce début de semaine : la démission surprise de Luca de Meo, PDG de Renault, pour rejoindre Kering, un acteur du luxe actuellement en difficulté. Cette annonce a provoqué une forte hausse de l’action Kering… et dans le même temps, une chute importante de l’action Renault.

En effet, Luca de Meo est un dirigeant très respecté, notamment pour avoir redressé Renault qui traversait une période compliquée à son arrivée en juillet 2020, après la fin de l’ère Carlos Ghosn et l’arrêt de l’économie lié à la pandémie de Covid.
De son côté, depuis 2020, Kering a connu des années difficiles. Après le rebond post-Covid, la croissance s’est normalisée et le groupe a nettement sous-performé son secteur. Résultat, sur les cinq dernières années, le parcours boursier de ces 2 entreprises du CAC a été diamétralement opposé.

Performance comparée de Kering et Renault, hors dividendes
Dans cette newsletter, on revient en détail sur le cas Kering, les raisons de ses difficultés en Bourse et notre avis sur l’opportunité que cette action représente actuellement ou non.
L’origine des difficultés de Kering
Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à Kering en 2018, le groupe avait signé une performance remarquable, affichant une croissance de 26,3% sur l’exercice.

Exercice 2018 - Kering
A cette époque, la stratégie du groupe semblait évidente : réduire sa dépendance à Gucci tout en renforçant son positionnement dans le luxe. Pour cela, Kering s’était séparé de 70% de Puma, considérée comme une activité non stratégique, afin de se recentrer sur le luxe, plus rentable et prometteur.
En effet, Gucci représentait plus de 80 % du résultat opérationnel du groupe. François-Henri Pinault assurait que Gucci pouvait devenir un équivalent de Louis Vuitton, tout en mettant en avant le potentiel de deux autres marques : Yves Saint Laurent et Balenciaga.
En 2024, Gucci ne pèse plus “que” 69 % du résultat opérationnel de Kering. Une baisse qui pourrait sembler encourageante… si elle ne s’expliquait pas uniquement par la dégradation brutale des performances de Gucci.

Chute de 50% du bénéfice opérationnel sur Gucci en 2024
La baisse du résultat opérationnel de Kering s’explique principalement par une stagnation du chiffre d’affaires depuis 2019, alors que le secteur du luxe a progressé en moyenne de 7% par an sur la même période.
Pire encore : la rentabilité de Gucci s’est effondrée. Sa marge opérationnelle est passée de 39% à 21% en cinq ans. Une telle baisse, dans un secteur où Hermès ou Moncler maintiennent des marges élevées malgré des hausses de prix illustre une perte de désirabilité significative.
En effet, le luxe repose sur la rareté, l’image et le pricing power. Lorsqu’une marque de luxe voit ses marges s’éroder, c’est un signal très clair : la demande ne suit plus, malgré tous les efforts marketing. Et pour une maison aussi dépendante que Kering vis-à-vis de Gucci, cela devient un problème structurel.
Le mirage de la croissance externe
Dès 2019, François-Henri Pinault déclarait vouloir saisir des opportunités de croissance externe dans le luxe 👇️
Nous avons la capacité opérationnelle et financière de saisir les opportunités d’acquisition pertinentes dans un secteur où la consolidation est largement débattue. Si nous agissons, ce sera avec notre discipline habituelle.

François Henri Pinault
Le message était clair pour le marché : Kering est en quête d’une nouvelle marque phare pour soutenir sa croissance à long terme, après le ralentissement de la dynamique de Gucci.
Cependant, cette recherche s’avère complexe en raison d’une prudence, peut-être excessive, ancrée dans l’échec retentissant de l’acquisition de Puma en 2007, qui avait engendré des pertes significatives et une restructuration coûteuse. Des rumeurs évoquaient alors des cibles comme Moncler, Tom Ford ou Prada. À l’inverse de son concurrent LVMH, qui se diversifie dans des secteurs comme la joaillerie, Kering reste focalisé sur son cœur de métier : la mode et la maroquinerie. Mais aucune opération majeure n’a vu le jour et la stratégie de Kering est restée figée.
Contrairement à LVMH, qui n’a pas hésité à payer cher pour renforcer son portefeuille (Tiffany, Bulgari…), Kering s’est montré trop frileux. Ils ont souvent évoqué des valorisations excessives, au risque de passer à côté de cibles de qualité, pourtant justifiées par un contexte de taux bas.
Résultat : alors que LVMH s’est diversifié dans la joaillerie ou l’hôtellerie de prestige, Kering est resté focalisé sur la mode et la maroquinerie, sans relais de croissance suffisant.
C’est en 2023 que Kering sort enfin du bois, en annonçant l’acquisition de 30% du capital de Valentino pour 1,7 milliard d’euros avec une option pour prendre le contrôle total d’ici 2028.

Acquisition de 30% de Valentino
Le contrôle intégral d’une marque de luxe permet de mettre en œuvre des stratégies marketing et publicitaires cohérentes, essentielles pour renforcer sa désirabilité. Si Valentino connaît une forte croissance d’ici 2028, sa valorisation pourrait augmenter sensiblement, obligeant Kering à débourser une prime significative pour acquérir les 70 % restants.
Contrairement à LVMH, qui a pleinement capitalisé sur la restructuration de Tiffany après en avoir pris le contrôle total, Kering ne bénéficierait pas immédiatement de l’ensemble des retombées d’une éventuelle relance de Valentino.
Un point crucial mérite d’être souligné : les 70 % restants de Valentino sont détenus par Mayhoola, un fonds qatari qui contrôle également des marques comme Balmain et Hugo Boss.
Mon premier réflexe a été d’examiner la création de valeur pour les actionnaires de Hugo Boss, et force est de constater que son parcours est loin d’être exemplaire.

Performance de 10 000 euros sur Hugo Boss sur 10 ans
En effet, comme pour l’action Kering, on peut se poser des questions sur la capacité de Mayhoola à maximiser réellement le potentiel de ses marques. Est-ce vraiment le partenaire idéal pour Kering dans une optique de relancer le groupe ? Je reste sceptique..
Comme vous l’avez compris, depuis 2019, le marché anticipe une acquisition d’envergure pour remédier aux défis de Kering, mais il faut reconnaître que, jusqu’au bout, François-Henri Pinault n’a pas concrétisé d’opération transformante.
Y a-t-il des motifs d’optimisme pour Kering ?
Bien évidemment, comme disait Charlie Munger, il est préférable de prendre sa checklist avant tout investissement : “Aucun pilote avisé, quels que soient son talent et son expérience, ne manque d'utiliser sa checklist”
En prenant notre check-list d’investisseur, on constate qu’on retrouve énormément de points noirs sur le dossier, ce qui justifie aussi une valorisation au tapis ⤵️
1. Le discours du management est-il aligné aux fils des années avec les guidances annoncées ?
Voici ce que disait François-Henri Pinault à la fin de l’année 2022 👇️

Au-delà de cet extrait, de nombreuses “promesses” du management n’ont pas été tenues au fil des années. Chez Bourseko, nous aimons les managements qui disent ce qu’ils font et font ce qu’ils disent. On est loin du compte chez Kering.
2. D'où vient la croissance ?
La réponse à cette question est simple car sur l’exercice 2025, on devrait revenir sur les niveaux d’activités de 2016 sur le bénéfice opérationnel pour Kering.

Bénéfice opérationnel - Kering
3. L’entreprise possède t-elle une capacité de pricing power ?
En l’espace de trois ans, la marge opérationnelle de Kering a été divisée par deux, passant de 28,4% en 2021 à 14,9% en 2024.
Cela démontre un problème important de pricing power : soit ils ne baissent pas les prix et voient leurs volumes d’activités baisser drastiquement, soit ils baissent leurs prix pour doper leurs ventes mais en sacrifiant leur désirabilité et leurs marges. C’est exactement ce qu’il s’est passé entre 2021 et 2024.

Marge opérationnelle - Kering
4. Est-ce que l’entreprise gagne des parts de marchés ?
Depuis 2021, Kering perd progressivement des parts de marché face à ses concurrents, un signal préoccupant pour le groupe 🔴

Part de marché - Kering
Nous suivrons de près un éventuel redressement, mais pour l’heure, depuis plus de quatre ans, Kering continue de voir sa part de marché se contracter.
5. Quelles sont les marges de l’entreprise comparée à ses concurrents ?
Si on regarde les concurrents, on peut constater que le Kering est le mauvais élève de la classe :
Kering : 14.9%
LVMH : 23,1%
Moncler : 29,5%
Hermès : 41,0%

Marge opérationnelle - Hermès, Moncler, LVMH & Kering
Est-ce que je me vois conserver mes titres pendant 10 ans sur le dossier ?
De mon coté, difficile de dire oui. On a une entreprise de luxe, qui n’arrive plus à faire du luxe…
Oui, mais Kering est faiblement valorisée, non ?
La réponse est non. Kering semble justement valorisé au regard de ses bénéfices prévus pour l’exercice 2025. Bien évidemment, il reste difficile d’envisager de rentrer sur un dossier 24 fois les bénéfices avec une décroissance de 10%.

PER - Kering
En rentrant sur le dossier, l’investisseur doit s’attendre que Gucci arrivera à reprendre une croissance organique durable et surtout que la maison italienne aura la capacité à remonter ses marges.
Si c’est le cas, oui, il y aura bien sûr une revalorisation du dossier !
Par contre, s’il y a bien quelque chose dont je suis certain.. c’est que pour le moment nous n’en savons rien, et que c'est précisément cette ignorance qui fait que nous ne regardons plus le dossier depuis de nombreuses années chez Bourseko.
Pour le moment, nous pensons qu’il est préférable de se concentrer sur les meilleurs dossiers du secteur même si la valorisation est élevée (Brunello Cucinelli, Hermès, et Moncler)
Luca de Meo : génie de la relance ?
Luca de Meo va prendre les rênes de Kering à partir du 15 septembre 2025. Comme nous le disions au début de cette newsletter, cette annonce a immédiatement été saluée par le marché.

Luca de Meo - Nouveau PDG de Kering
Il faut dire que Luca de Meo a laissé une empreinte forte chez Renault. Arrivé en juillet 2020, en pleine tempête post-Ghosn et au cœur de la crise du Covid, il a su redresser une entreprise alors au bord du gouffre. Depuis sa nomination, l’action Renault a progressé de plus de 14% par an, dividendes inclus. Toutefois, il est important de noter qu’il a pris ses fonctions en juillet 2020, au plus bas de la crise du Covid, ce qui a “facilité” cette performance.

Performance de 14.2% par an sur la période
Clairement, la nomination de Luca de Meo, premier PDG non issu de la famille dans l'histoire de PPR/Kering, marquera une étape importante pour l'histoire de l'entreprise puisqu’il devra s’occuper d’une relance les plus difficiles à exécuter au sein du secteur du luxe.
Premièrement, il était relativement difficile de trouver un CEO du secteur du luxe de grande qualité puisqu’ils sont souvent déjà aux manettes de leurs propres entreprises familles (Arnault, Cucinelli..). Ainsi, ce n’est pas tellement une surprise de retrouver un PDG extérieur au secteur du luxe (hormis son rôle chez Lamborghini).
Cette décision semble plutôt bien alignée sur les besoins stratégiques actuels de Kering qui aura besoin d’une expertise cruciale lors de son processus de reprise. De plus, Luca de Meo, reste un PDG italien, qui possède une grande expérience dans un groupe coté en France est donc particulièrement appropriée par rapport aux ventes de Kering (majoritairement de marques italiennes) et de sa culture (franco-italienne).

-23% pour Gucci en 2024
Comme on peut le constater avec le cours de bourse, Kering traverse l'une des périodes les plus difficiles de son histoire, en particulier sur Gucci qui est en décroissance de 23% sur l’exercice 2024.
Pour relancer Kering, la famille Pinault a fixé des priorités claires :
restaurer la croissance
reconstruire les marges
améliorer la génération de Free Cash Flow
réduire l’endettement.
De notre côté, on s’attend surtout à une meilleure allocation du capital. C’est souvent le rôle central d’un CEO. Luca de Meo devrait aussi apporter un vrai sens du produit. C’était déjà sa marque de fabrique chez Renault, avec plusieurs lancements réussis. Il a toujours su comprendre les attentes des clients et capter les grandes tendances du marché, comme il l’a montré avec la Fiat 500, Abarth ou Cupra.
Chez Kering, le contexte est différent. Il devra surtout renforcer les directions artistiques. Beaucoup de marques sont en pleine période de transition. C’est le cas de Gucci avec Demna, de Bottega Veneta avec Trotter, ou encore de Balenciaga avec Piccioli.
Même s’il vient d’un univers où chaque point de marge compte, son impact ne se limitera pas à des gains financiers. Son vrai atout sera sa capacité à redonner de l’élan aux marques. Cela passera par un storytelling plus fort, un positionnement plus clair et une offre produit plus cohérente. C’est là qu’on l’attend.
Néanmoins, sur le court-terme, la nomination de Luca de Meo pourrait également entraîner une révision des prévisions pour 2025, offrant à Kering l’opportunité de repartir sur des bases solides, notamment avec l’arrivée de nouveaux talents créatifs.
En nommant un PDG externe de la stature de Luca de Meo, reconnu pour ses succès dans le redressement d’entreprises, la famille Pinault affirme avec force sa volonté de ramener Kering à des niveaux d’excellence. Ce signal, largement attendu par les investisseurs, devrait raviver l’intérêt du marché et susciter des attentes d’un retour à une valorisation plus en phase avec le potentiel du groupe.
Conclusion
Bien entendu, chez Bourseko, nous suivrons cette situation avec attention. Cependant, il est encore prématuré de considérer Kering comme un dossier d’investissement attractif dans le secteur du luxe. C’est pourquoi, pour le moment, nous ne regardons pas le sujet de la valorisation mais nous surveillerons l’amélioration (ou non) des fondamentaux.
Effectivement, nous considérons qu’il est préférable de manquer les 20 premiers points de hausse plutôt que d’investir dans un dossier encore fragile.
Et toi, qu’en penses-tu ?
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