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ARM : l’entreprise qui contrôle les semiconducteurs

#59 Tout comprendre de cette pépite européenne qui vaut presque 150 milliards de dollars en Bourse

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2 / Retour sur les résultats de Lululemon, fortement attendus dans la communauté.

3 / Analyse et commentaire sur l’action française Equasens

4 / Commentaire et analyse sur la progression de l’action ASML, une des pépites que nous surveillons dans le Club.

5 / Commentaire et analyse sur les perspectives de l’action française, Rémy Cointreau.

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ARM : l’entreprise qui contrôle les semiconducteurs

Tu en as peut-être entendu parler : en septembre 2023, ARM s’est introduite en Bourse pour une valorisation de 54,5 milliards $. C’est une des plus importantes introductions en Bourse du secteur technologique.

Introduction en Bourse de ARM - Septembre 2023

Alors, ce nom te dit peut être rien mais c’est une entreprise stratégique car elle est leader de la conception d’architecture pour les semiconducteurs (plus de 99% de nos smartphones utilise leur technologie).

Comme beaucoup, je n’avais pas saisi le rôle central que joue cette entreprise dans l’industrie des semiconducteurs jusqu’à ce que Julien (son compte X), que tu as déjà vu dans cette newsletter, écrive une analyse dans la communauté.

L’objectif de cette édition est de revenir sur le rôle crucial que joue ARM dans le développement des puces les plus avancées et dans l’industrie stratégique des semiconducteurs.

Allons-y ⤵️ 

Les origines d’ARM

Fondée en 1990, ARM (Advanced RISC Machines) est née d'une joint-venture entre Acorn, Apple et VLSI.

Cette collaboration est née de la volonté d’Apple de développer un processeur à faible consommation pour son assistant personnel Newton. Pour concrétiser ce projet, Apple s’est alliée avec Acorn, qui apportait son expertise, et VLSI, qui offrait ses compétences en design de puces.

Rapidement, ARM est devenue une entreprise indépendante, continuant à fournir ses services à Apple tout en élargissant sa clientèle à d'autres acteurs. Dès ses débuts, ARM s’est lancé dans le développement de designs de processeurs, utilisés par des concepteurs de semiconducteurs (j’y reviens plus tard).

Le premier grand succès de l’architecture ARM s'est manifesté dans le secteur des téléphones mobiles avec le processeur ARM7T, utilisé par Texas Instruments pour le Nokia 6610, qui s'est vendu à plus de 10 milliards d'exemplaires.

En 1998, ARM a fait ses débuts en Bourse, à Londres et au Nasdaq. Malgré l’éclatement de la bulle Internet, ARM a continué à croître, notamment grâce à des acquisitions stratégiques.

Cependant, c’est le lancement de l'iPhone en 2007, équipé de processeurs fonctionnant sous l’architecture ARM, qui a marqué un tournant majeur pour l’entreprise.

Surfant sur le succès des smartphones, le chiffre d’affaires d’ARM a grimpé de 259 millions de livres à 1,150 millions de livres entre 2010 et 2016. Cette croissance spectaculaire a permis à l’action de surperformer largement l’indice durant cette période, attirant ainsi l’attention de SoftBank.

En 2016, la société japonaise a racheté ARM pour 32 milliards de dollars, cherchant à diversifier son portefeuille, alors très concentré sur Alibaba.

SoftBank avait pour objectif de développer ARM afin de la revendre plus tard et de réaliser une plus-value. Ainsi, en 2020, SoftBank et Nvidia ont annoncé un accord de rachat d'ARM pour 40 milliards de dollars. Cependant, en 2022, les régulateurs ont annulé cette opération en raison des risques élevés pour la concurrence.

Suite à cet échec et après ses déboires avec WeWork, SoftBank a confirmé son intention d'introduire ARM en Bourse, une introduction qui a eu lieu en septembre 2023.

Rapide retour sur l’industrie des semiconducteurs

La place d’ARM dans la fabrication des semiconducteurs est central. Pour cela, commençons par reprendre la chaîne de valeur de cette industrie stratégique.

Pour rappel, un semiconducteur est un matériau qui, une fois soumis à un courant électrique, devient conducteur. Pour faire simple, un semiconducteur est comme un interrupteur.

Aujourd’hui, on utilise ce terme pour parler de puces, microprocesseurs et cartes graphiques.

De façon schématisée, voici une liste non exhaustive d’acteurs qu’on retrouve tout au long de la chaîne de valeur de cette industrie :

  • Les équipementiers, ceux qui fournissent les machines et équipement nécessaires à la fabrication de puces comme ASML ou KLA 

  • Les fondeurs, ceux qui possèdent les usines où l’on fabrique les puces tels que TSMC notamment

  • Les designers, ceux qui sont spécialisés dans la conception et le design de puces comme AMD ou Nvidia

  • Les concepteurs internes, ceux dont ce n’est pas le métier à l’origine mais qui, par des souhaits de développement, conçoivent les puces pour leurs produits en interne tel qu’Apple ou Tesla

  • Les IDM (pour Integrated Device Manufacturer), qui sont eux aussi spécialisés dans la conception et le design de puces mais qui possèdent leur propre fonderie tel qu’Intel par exemple

  • Les concepteurs de logiciels dédié, on pensera notamment à Cadence ou à Synopsys

⚡️ IMPORTANT

Il y aurait beaucoup de choses à dire mais l’idée n’est pas de rentrer dans le détail dans cette édition.

Si tu veux aller plus loin dans la compréhension de l’industrie des semiconducteurs, j’avais rédigé une édition dédiée. Tu peux la retrouver ici.

La place d’ARM dans l’industrie des semiconducteurs

Pour revenir sur ARM, l’entreprise vend des licences aux concepteurs de puces (designers, concepteurs internes et IDM) qui vont utiliser les propriétés intellectuelles d’ARM pour concevoir leurs propres puces.

Pour designer un processeur, on utilise ce qu’on appelle un jeu d’instructions. Ce jeu d’instruction est composé de briques élémentaires qui seront assemblées. Chaque brique a son rôle et est indispensable dans le processeur.

Aujourd’hui, il existe deux grandes philosophie de design de jeu d’instructions: RISC et CISC

  • Les processeurs CISC (pour Complex Instruction Set Computer) utilisent un jeu d’instructions étendu, qui leurs permettent d’effectuer des tâches plus complexes avec la contrepartie de consommer plus d’énergie et d’avoir plus de briques élémentaires, ce qui rend l’architecture moins adaptée aux appareils mobiles. Les deux grands fabricants de processeurs CISC sont Intel avec le jeu d’instructions x86 et AMD avec son jeu d’instructions AMD64

  • Les processeurs RISC (pour Reduced Instruction Set Computer) quand à eux utilisent un jeu d’instruction réduit qui leur permettent de consommer moins d’énergie et moins d’espace, les rendant particulièrement efficaces pour les appareils mobiles. Aujourd’hui, le jeu d’instructions RISC le plus connu est le jeu d’instruction ARM.

Principaux avantages des jeux d’instructions CISC et RISC - Source

En plus d’être plus économe en énergie, le choix de l’architecture ARM a été particulièrement stratégique pour de nombreux fabricants de produits technologiques comme Apple, Amazon, Microsoft et Tesla. Ces entreprises développent leur propre software et connaissent donc les besoins spécifiques du hardware pour un fonctionnement optimal avec leur software.

Cela confère à ARM un avantage compétitif évident sur son concurrent x86/AMD pour plusieurs raisons :

  • Personnalisation : Les clients d’ARM peuvent personnaliser presque sans limite leur processeur en fonction de son application, contrairement aux processeurs CISC, qui sont plus génériques.

  • Différenciation : Le hardware joue un rôle crucial dans la compétitivité, que ce soit dans le secteur mobile, sur les PC portables (comme les Mac avec les puces M1, M2) ou sur le marché des serveurs. Proposer des produits avec des puces maison devient un argument marketing fort pour se différencier.

  • Indépendance stratégique : La conception interne des CPU permet aux entreprises de devenir plus indépendantes des fournisseurs traditionnels (Intel/AMD) et de récupérer une partie des marges de ces derniers.

Dans le domaine des smartphones, ARM affiche une domination écrasante avec 99 % de parts de marché. Ce succès s’explique principalement par la supériorité de l’architecture ARM en termes de performance énergétique, un aspect crucial pour les appareils fonctionnant sur batterie, comme les smartphones, tablettes et montres connectées, où la taille de la batterie est limitée.

Cependant, avec seulement 10% de parts de marché sur le secteur du Cloud, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Au global, ARM a une part de marché de 49%, ce qui la place comme leader du secteur.

Aujourd’hui, les processeurs RISC, et principalement ARM, sont en train de gagner la bataille et ne sont pas moins performants que les processeurs CISC comme c’était le cas dans le passé, tout en consommant beaucoup moins d’énergie.

Cependant, même si la tendance semble se porter vers une adoption de plus en plus massive des processeurs RISC, les jeux d’instructions d’Intel et AMD sont encore très présents, surtout dans les datacenters et les super-ordinateurs. 

Parts de marché ARM en 2020 et 2022 par type de marché - Source : Statista

Business Model

Revenons maintenant un peu plus dans le détail de leur business model.

ARM a un business model unique dans l’industrie des semiconducteurs, car il ne vend pas ses propres puces. Il offre des plans de conception à d’autres acteurs de l’industrie, qui finalisent le design et commercialisent des semiconducteurs basés sur ces plans.

La valeur ajoutée du modèle ARM réside dans la mutualisation des dépenses R&D des designers et fabricants de semiconducteurs. Une grande majorité de ses coûts opérationnels proviennent de la Recherche & Développement (~60%). De ce fait, environ 80% de ses 6000 employés sont des ingénieurs.

Arm génère son CA de deux manières :

  1. Licences technologiques : ARM licencie sa technologie à des designers/fabricants de semiconducteurs. Le prix de la licence varie selon plusieurs critères (taille du client, complexité, gamme de produit, durée de la licence) et peut aller de plusieurs centaines de milliers de dollars à 100 M$. En 2023, le revenu de licence représentait 37% du CA.

  2. Royalties : Si le produit est développé et commercialisé, ARM touche des royalties sur chaque puce utilisant une licence Arm. Le royalty est un pourcentage indexé sur la valeur de la puce, constituant la majorité du CA du groupe, soit 63% du CA en 2023.

Décomposition de compte de résultat d’ARM en 2023 - Source : AppEconomy Insights

Le modèle d’ARM se caractérise par un CA dépendant principalement des royalties (~60/65% du CA). Ces revenus possèdent trois caractéristiques qui rendent le business model d’ARM extrêmement attractif et solide :

  • Revenus perpétuels : ARM génère des royalties avec des licences émises depuis les années 1990. En 2023, 46% des revenus de royalties provenaient de produits développés avant 2009.

  • Revenus prévisibles : Les revenus de royalties sont prévisibles, les taux étant négociés au moment de l’émission de la licence, généralement 2 à 3 ans avant que les royalties soient touchées. ARM a déjà négocié 97% des royalties qu’il touchera en 2025.

  • Maîtrise des coûts et levier opérationnel : La collecte des royalties n’engendre presque aucun coût supplémentaire, offrant un fort levier opérationnel, avec une marge opérationnelle potentielle autour de 60% à long terme.

Si l’histoire d’ARM est liée à la montée en puissance du mobile, le groupe a diversifié son CA depuis sa sortie de la cote par SoftBank en 2016. D’un CA exposé à ~2/3 au mobile en termes de royalties il y a 10 ans, il tire aujourd’hui ~40% de son CA de ce segment, s’étendant à d’autres marchés comme le serveur, l’IoT et l’automobile.

L’avantage compétitif “monstre” d’ARM

ARM a un quasi-monopole sur les architectures RISC. Celle-ci prend de plus en plus de parts de marché, que ce soit sur l’informatique personnelle ou même dans le secteur professionnel avec le Cloud. 

Par exemple, AWS propose depuis quelques années des serveurs qui sont équipés de processeurs Graviton, basés sur la technologie d’ARM. Ces processeurs sont souvent beaucoup moins chers (on compare ici le ratio performance / prix) que leurs homologues sous x86/AMD64.

Par ailleurs, pour appuyer la percée d’ARM sur les puces à haute puissance de calcul, les puces Grace Hopper de Nvidia utilisent l’architecture ARM.

Là où le tour de maître se situe, c’est qu’un programme qui est compatible avec x86/AMD64 est de fait incompatible avec ARM et inversement.

Changer d’architecture processeur revient donc à repartir d’une feuille blanche, surtout quand on sait que les deux philosophies d’architectures ne fonctionnent pas du tout de la même manière.

Aussi bon communiquant que tu sois, si tu essayes de parler avec quelqu’un qui ne parle pas du tout ta langue, tu n’arriveras pas à grand chose. Et bien c’est la même chose pour les processeurs.

Management et actionnariat

Au niveau de l’actionnariat, il faut savoir que le géant japonais SoftBank détient environ 88% de l’entreprise. Cela se traduit donc par un flottant qui est plutôt faible, ce qui a un fort impact sur la valorisation de l’entreprise.

Point intéressant, Nvidia et Alphabet sont tous les deux actionnaires via le flottant à hauteur de 1,96 millions d’actions chacun. 

Tentative de rachat d’Arm par Nvidia en 2020

Pour rappel, Nvidia avait essayé de racheter l’entreprise auprès de SoftBank en 2020 pour un montant de 40 milliards de dollars mais l’acquisition a été officiellement abandonné en février 2022, à la suite du rejet de l’opération par les régulateurs américains, britanniques et européens.

Au niveau du management, on retrouvera notamment Rene Haas en tant que CEO depuis Février 2022. Cependant, il est présent dans l’entreprise depuis Octobre 2013 et était présent dans le senior management de NVIDIA avant son arrivée chez ARM.

Rene Haas

Des 12 fondateurs d’ARM, aucun n’exerce encore un rôle dans l’entreprise.

Risques

Comme toute entreprise, ARM est exposée à certains risques.

Tout d’abord, comme l’ensemble du secteur des semi-conducteurs, ARM a une activité cyclique. Bien que l’entreprise soit moins cyclique qu’un équipementier comme ASML en raison de son modèle économique, ce risque demeure significatif.

Ensuite, même si le monde de la technologie semble s’orienter de plus en plus vers les technologies d’ARM, rien ne garantit que les processeurs CISC ne feront pas leur retour dans un futur plus ou moins proche. De plus, bien que peu probable, une entreprise comme Nvidia pourrait développer sa propre architecture et ainsi se passer d’ARM, ce qui représenterait une perte importante.

Par ailleurs, ARM dépend fortement de quelques gros clients tels que Nvidia, Apple, Tesla, et Qualcomm. La perte de l’un d’entre eux aurait un impact significatif sur les chiffres de l’entreprise.

Enfin, un autre risque à ne pas négliger est l’architecture open source RISC-V. Comme ARM, ce jeu d’instructions repose sur l’architecture RISC.

Le projet RISC-V, lancé à l’université de Berkeley en 2010, vise à développer un ensemble d’instructions utilisable dans divers types d’ordinateurs, des petits appareils embarqués jusqu’aux supercalculateurs, sans nécessiter de licence.

L’idée derrière RISC-V est de créer un standard ouvert et gratuit d’instructions pour processeur, avec un set d’instructions encore plus réduit et personnalisable que celui d’ARM.

Pour l’instant, RISC-V est encore loin de pouvoir concurrencer ARM, mais le développement de cette architecture mérite d’être surveillé.

Conclusion

Pour revenir rapidement sur la valorisation, il est important de noter que l’entreprise est actuellement extrêmement chère, étant valorisée à plus de 400 fois ses bénéfices.

Cependant, cette valorisation élevée s'explique en partie par le nombre limité d’actions en circulation, la majorité étant détenue par SoftBank. Or, la qualité de l’entreprise attire de nombreux investisseurs qui se ruent sur l’action.

En tant qu’investisseur à long terme, il peut être difficile de se sentir à l’aise avec de tels niveaux de valorisation. Néanmoins, je pense qu’ARM est une entreprise à surveiller de près à l’avenir.

Avant de conclure, je tiens à remercier Julien. Une partie importante de cette édition reprend son article publié au sein de la communauté. Il l’a également posté sur Medium, où tu le consulter gratuitement ici.

On arrive à la fin de cette édition. N’oublie pas de laisser un commentaire et de la partager autour de toi, ça m’aide beaucoup pour développer cette newsletter 😊 

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