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Faut-il investir sur Booking ?
#153 Notre analyse fondamentale du leader mondial des agences de tourisme en ligne
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Faut-il investir sur Booking ?
Par Loris Dalleau et Abdallah Benmansour
Quand on parle d'investir dans le secteur du tourisme, un géant s'impose naturellement : Booking.
C'est le mélange parfait entre innovation tech et rentabilité béton. La preuve ? Une performance hallucinante de 30 % par an sur 20 ans.

Au programme de cette analyse fondamentale, nous passons le dossier au crible : comment Booking gagne (vraiment) son argent, sa stratégie du Connected Trip, ses avantages concurrentiels et les risques à avoir en tête. Enfin, nous finirons par la valorisation.
Allons-y ⤵️
Histoire
En 1997, dans le Connecticut, Jay Walker fonde Priceline.com, une start-up au positionnement radicalement différent de celui que nous connaissons aujourd’hui. À l’époque, Priceline n’est pas une agence de voyage en ligne, mais une plateforme d’enchères inversées. Les voyageurs proposent leur prix pour un billet d’avion, dans ce que l’entreprise baptise le “Name Your Own Price” (NYOP).

Jay Walker - Fondateur de Priceline.com
Le succès est rapide, au point que Priceline devient, en 1999, l’une des introductions en Bourse emblématiques de la bulle Internet. Mais derrière l’innovation, une limite apparaît vite. Ce modèle très dépendant d’accords spécifiques avec les compagnies aériennes ne peut pas servir l’ensemble du marché. Il manque d’échelle et peine à s’étendre au-delà d’un segment bien précis.
Au début des années 2000, le groupe cherche donc une voie plus scalable. En 2003, Priceline élargit son activité en adoptant la vente classique de billets d’avion. Le pivot est progressif, mais une conviction s’impose, le vrai terrain de jeu est ailleurs. L’hôtellerie, encore très fragmentée, est l’un des rares marchés où Internet peut réellement créer un nouvel intermédiaire puissant. C’est à ce moment que l’Europe entre en scène.
En 2004, Priceline réalise un premier mouvement stratégique avec l’acquisition d’ActiveHotels.com, un acteur solide du marché européen. L’opération apporte un premier ancrage local, mais c’est l’année suivante que tout bascule.
En 2005, Priceline rachète un petit site néerlandais alors méconnu : Booking.com. Montant de la transaction : environ 133 millions de dollars. Personne n’imagine encore que cette acquisition deviendra l’une des plus rentables de l’histoire de l’Internet. Booking et ActiveHotels sont rapidement fusionnés, donnant naissance à une plateforme unique avec un ADN résolument européen.
Ce positionnement fait immédiatement la différence. Contrairement aux États-Unis, dominés par de grandes chaînes hôtelières standardisées, l’Europe est un marché éclaté, composé d’innombrables hôtels indépendants. C’est un défi logistique, mais aussi une opportunité massive. Booking avance méthodiquement, ville par ville, hôtel par hôtel, en convainquant les établissements avec une promesse simple : plus de visibilité, plus de clients, plus de réservations. L’offre s’approfondit à une vitesse que les concurrents américains sont incapables de suivre.

Cette dynamique propulse Priceline dans une nouvelle dimension. En 2010, le groupe dépasse Expedia et devient le premier service mondial de réservation d’hôtels en ligne.
Les années 2010 sont celles de l’expansion internationale. Le groupe enrichit son portefeuille : Agoda en Asie, Kayak pour la méta-recherche, Rentalcars pour la location de véhicules, OpenTable pour les restaurants.

Portefeuille de marques de Booking
En 2018, Priceline Group change de nom pour devenir Booking Holdings (Booking étant la principale division du groupe).
Répartition de l’activité
Par essence, le secteur du voyage est atomisé. Les standards varient d'une ville à l'autre, les offres sont dispersées et l'accès à l'information est complexe. De son côté, Booking a transformé cette fragmentation en une opportunité colossale en réunissant sous une même bannière plus de 4 millions d’hébergements.
Le tour de force est double. Pour un petit hôtel familial en Toscane ou une maison d’hôtes au Vietnam, la plateforme ouvre instantanément une fenêtre sur la demande mondiale. Pour le voyageur, elle offre un inventaire quasi infini, accessible et filtrable en quelques secondes. C'est ce qui fait de Booking la première OTA (Online Travel Agency) au monde en termes de volume, devançant son concurrent historique, Expedia.

Concrètement, Booking appuie sa réussite sur la coexistence de deux modèles d'affaires distincts : le modèle agence et le modèle marchand.
Le Modèle Agence
C'est le modèle historique de la plateforme de Booking, globalement, celle-ci agit comme un simple apporteur d'affaires.

Le principe est simple : le client réserve directement sur la plateforme mais paie directement l'hôtel à son arrivée. Par la suite, Booking facture sa commission (le take rate) en fin de mois.
Le Modèle Marchand
Dans ce modèle, Booking devient le commerçant officiel. Par conséquent, Booking encaisse la totalité du montant dès la réservation, puis reverse une partie à l'hôtelier après le séjour du client (le prix du séjour amputé de la commission).

L'avantage est total pour la plateforme. Elle sécurise sa marge et gonfle sa trésorerie immédiatement. L'hôtelier, lui, supporte le décalage et ne voit la couleur de l'argent qu'une fois le service rendu.
Pourquoi le modèle marchand prend-il le pouvoir ?
Si le modèle Marchand connaît une croissance accélérée, c'est le fruit d'une stratégie délibérée visant à verrouiller le marché via trois leviers 👇
1. L'explosion du taux de conversion Le modèle d'agence crée de la friction : un petit hôtel indépendant accepte rarement PayPal ou AliPay.

En devenant le commerçant, Booking accepte instantanément tous les moyens de paiement mondiaux. Cette flexibilité lève les barrières à l'achat et booste mécaniquement les ventes.
2. La vision du Connected Trip (Voyage Connecté) : Booking veut vendre le voyage complet (Vols + Hôtels + Location)
Pour facturer ce “package” en un clic, la plateforme doit encaisser le panier unique. De plus, la verticale “Vols”, en pleine expansion, fonctionne exclusivement sur ce modèle, gonflant naturellement les chiffres du segment marchand.
3. Le levier financier du “Float” : Normalement, si vous nous lisez régulièrement, vous savez que c'est l'arme secrète financière de beaucoup de belles entreprises.
En effet, dans le modèle marchand, si Booking encaisse 1 000 € en janvier pour un séjour en juillet, elle place cet argent pendant six mois. Ce besoin en fonds de roulement négatif agit comme un prêt à taux zéro offert par les clients, transformant la plateforme en une machine à cash comparable aux assureurs chers à Warren Buffett.
Par conséquent, nous estimons que le modèle marchand continuera à être la priorité pour Booking pour mieux sécuriser l’expérience client, proposer les meilleurs prix et devenir incontournable dans l’écosystème du tourisme.

Les deux principaux indicateurs : la GBV et le Take Rate
Comme tous les business model de marketplace, il y a 2 indicateurs clés pour suivre l’évolution de la dynamique de Booking.
Tout d’abord, la Gross Booking Value (GBV) représente le volume total des transactions réalisées via les plateformes du groupe. C'est l'équivalent du volume d'affaires, la somme totale des montants que les clients paient pour toutes les nuits d'hôtel, tous les vols, et toutes les locations de voitures réservées.
C'est l'indicateur fondamental de la taille de l'activité de l'entreprise. Une croissance soutenue du GBV est le premier signal que l'entreprise étend sa portée, soit en augmentant le nombre de réservations, soit en augmentant la valeur moyenne des transactions (grâce à l'inflation des prix du voyage).
En 2024, la GBV a atteint 166 milliards de dollars, ce qui représente une croissance annualisée de 15,8% par an depuis 2012.

Puis, comme nous l’avons vu, Booking va prendre une commission sur ces montants qui transitent par la plateforme, ce qu’on appelle le take rate (ou le taux de prélèvement en français). C’est cette part du gâteau qui correspond au chiffre d’affaires de l’entreprise.

Ce taux n’est pas figé. Il varie en fonction des niveaux de commission négociés, mais aussi de la composition du mix d’activité. En effet, toutes les réservations ne rapportent pas la même chose. L’hébergement offre des commissions plus élevées que les vols, dont les marges sont notoirement faibles. Ainsi, si les ventes de billets d’avion augmentent plus vite que celles des nuits d’hôtel, le take rate global a tendance à se contracter, et inversement.
Billets d’avion
La vente de billets d’avion était loin d’être une priorité pour Booking avant 2021, avec seulement 6 millions de billets vendus à travers ses plateformes en 2020, contre plus de 60 millions en 2025.

Premièrement, cela démontre la vision du « One-Stop-Shop », qui est de capter une part croissante du portefeuille client en centralisant hôtels, vols et locations. Ainsi, en fluidifiant l’expérience client en rajoutant l'ajout d'un vol à une réservation d'hôtel, Booking augmente mécaniquement la valeur de chaque transaction et renforce sa rétention via son programme de fidélité Genius.

Programme de Fidélité - Genius
Par exemple, un utilisateur réservant un hôtel est plus susceptible d’ajouter un vol si l’option est fluide, ce qui augmente la valeur moyenne par transaction.
Deuxièmement, c’est une réponse à la concurrence.
Face à Expedia (historiquement fort sur l'aérien) et Google Flights, Booking ne pouvait plus ignorer ce segment qui pèse 25 % du marché mondial du tourisme. De notre côté, nous voyons surtout cette intégration comme une manœuvre défensive pour protéger son cœur de métier hôtelier tout en s'ouvrant un nouveau réservoir de croissance.

Pour déployer cette offre rapidement, le groupe a noué des partenariats majeurs avec compagnies aériennes (Ryanair, American Airlines). Au final, si la vente de vols génère des marges plus faibles, elle agit comme un puissant produit d'appel car elle réduit le coût d'acquisition client, enrichit la base de données et permet de lisser la saisonnalité des revenus.
Locations de voiture
Si la location de voitures représente une part plus modeste des revenus globaux de Booking par rapport à l'hôtellerie, elle n'en est pas moins stratégique. Tout comme pour l'aérien, c'est le levier idéal pour capter une part de portefeuille plus importante des voyageurs.

Mais ce qui rend ce business fascinant, c'est son efficacité redoutable face aux géants historiques. Pour comprendre la force de Rentalcars.com, il faut regarder ce qu'ils ne font pas.
Les loueurs traditionnels (Hertz, Sixt, Avis) opèrent avec un modèle “asset-heavy”. Leur quotidien est un défi opérationnel. Ils doivent acheter des milliers de véhicules, gérer la maintenance, payer des parkings coûteux, assurer la flotte et, point crucial, gérer le risque de dépréciation à la revente.
Clairement, leur marge de manœuvre est étroite et dépend entièrement de l’optimisation du taux d’occupation de leurs voitures.
De l’autre côté, Rentalcars.com, comme l’ensemble du groupe, elle opère un modèle “asset-light”. Ils ne possèdent rien : ni voitures, ni agences, ni garages. C’est seulement un intermédiaire technologique.
Son rôle ? Agréger l’offre de milliers de loueurs, des géants internationaux jusqu’aux petits acteurs locaux, sur une seule et même plateforme.
C’est ici que Rentalcars.com écrase la concurrence sur le plan financier. En faisant partie de l’écosystème Booking, l’entreprise profite de synergies massives.
Le client vient de réserver son billet d’avion et son hôtel à Madrid ? On lui propose la voiture dans la foulée.
Cette mécanique réduit drastiquement le coût d’acquisition client. Là où un loueur traditionnel doit dépenser des millions en publicité pour aller chercher un client sur Google, Rentalcars le capte “gratuitement”, ou presque, car il est déjà dans l’univers Booking.
Et puis, contrairement aux loueurs traditionnels, la plateforme a une couverture mondiale, ce qui lui permet d’offrir une voiture dans un village au fin fond de la Crète grâce à un partenaire local, là où Hertz ou Avis n’ont pas d’agence.
Attractions & Expérience
Contrairement à Airbnb, qui a tenté de créer des “Expériences” (et a eu du mal à les faire décoller), Booking joue la carte du pragmatisme pur.
Comme pour les locations de voiture, Booking veut concurrencer les acteurs du secteur, et notamment GetYourGuide, grâce à un coût d’acquisition beaucoup plus faible, permis par les synergies avec les autres activités.
En effet, le talon d’Achille de GetYourGuide, c’est le coût d’acquisition. Ils doivent dépenser des fortunes en publicité pour espérer croiser votre chemin au moment précis où vous tapez “Que faire à Rome ?”
Booking, eux, savent déjà que vous y allez. Vous avez réservé votre hôtel chez eux il y a deux mois. Ils n’ont plus qu’à attendre. Quelques jours avant votre départ, une simple notification push suffit : “Un coupe-file pour le Colisée ?”
C’est une activité encore marginale pour Booking, mais qui progresse très vite. Lors de la dernière publication, le management a indiqué que les réservations pour les attractions touristiques avaient bondi de 90% en un an.
Publicité & autres
Enfin, comme toutes les plateformes, Booking génère aussi des revenus publicitaires. Le segment Publicité et Autres regroupe l’ensemble des revenus générés en dehors des commissions traditionnelles. On y retrouve la publicité sur Kayak (essentiellement du référencement vers des OTA), les frais de réservation de restaurants via OpenTable, les assurances voyage, ainsi que les solutions de mise en avant payante proposées aux partenaires de Booking et d’Agoda.
Aujourd’hui, ce segment reste marginal dans le chiffre d’affaires du groupe, pesant moins de 5% des revenus. Mais sa contribution à la rentabilité n’est pas négligeable car les coûts y sont faibles et les marges, élevées. Autrement dit, c’est un relais auxiliaire, mais très efficace, un peu à la manière de ce que représente la publicité pour Uber et Amazon. Ils ne sont pas essentiels au modèle, mais suffisamment rentable pour mériter d’être développée.

La dynamique de croissance provient principalement de deux axes : l’augmentation des réservations sur OpenTable et la montée en puissance des formats publicitaires sur Booking et Kayak. Sur ces plateformes, Booking propose désormais aux hôtels et partenaires des options de visibilité payante. L’objectif est de leur permettre de remonter en tête des résultats pour une destination donnée, contre une rémunération qui prend la forme d’un coût par clic (CPC) ou d’un forfait de mise en avant.
Avec ce système, Booking ne collecte ni le paiement du séjour ni ne garantit la réservation. Il s’agit donc d’un revenu purement publicitaire, sans risque opérationnel supplémentaire. Pour un hôtel, l’intérêt est d’apparaître en bonne position peut accroître significativement le trafic vers sa page. Pour Booking, cette activité renforce l’écosystème, augmente les revenus accessoires et améliore la monétisation du trafic déjà acquis.

En somme, ce segment n’a pas vocation à devenir le moteur principal du groupe, mais il représente une optionnalité intéressante à très forte marge.
Les autres plateformes
Pour finir l’analyse de l’activité de Booking Holdings, nous voulons revenir sur les spécificités de chaque plateforme du groupe. En effet, nous connaissons principalement Booking, mais chaque plateforme possède un positionnement distinct.
Le site Agoda est la porte d’entrée majeure du groupe vers le marché Asie-Pacifique, avec une forte pénétration dans des pays clés.
Ensuite, nous trouvons KAYAK, qui est très différent, car c’est un métamoteur de recherche. Il ne finalise pas toujours la réservation lui-même. Sa principale source de revenus est la publicité. En effet, Kayak facture aux fournisseurs (compagnies aériennes, autres OTA) un frais par clic (CPC) pour rediriger l’utilisateur vers leur propre site.
Le pilier de la location de voitures est incarné par Rentalcars.com. Enfin, Priceline, la marque historique du groupe, est très ancrée en Amérique du Nord. Bien qu’elle ait été célèbre pour son modèle d’enchères, elle opère aujourd’hui principalement sur le modèle d’agence aujourd’hui.
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